(En cours de rédaction)

Bibliographie

Gianni Pettena, Superstudio, 1966-1982: Storie, figure, architettura, Catalogue d’exposition, Galeria Accademia, Florence, Electa, 1983.
Peter Lang, William Menking, Superstudio, Life without objects, Catalogue d’exposition, London Design Museum, 2003, Skira, 2005. (Anglais)
Gabriele Mastrigli, Superstudio. Opere 1966-1978, Quodlibet, 2017 (en Italien).
Roberto Gargiani, Béatrice Lamparielo, Le Monument continu de Superstudio, Édition B2, 2019.
Abdelkader Damani (dir.), Superstudio, La Vie après l’architecture, Lienart / Frac Centre Val de Loire, 2019.
Gabriele Mastrigli (propos recueillis par), Adolfo Natalini, Cristiano Toraldo di Francia, Gian Piero Frasselini, La vie secrète de Superstudio, Édition B2, 2020.
Emmanuelle Chiappone Piriou (dir.), Beatrice Lampariello, Gabriele Mastrigli, Frédéric Migayrou, Superstudio Migrazioni, Catalogue d’exposition, CIVA, Verlag der Buchhandlung Walther, Franz König, 2020.


Groupe d’architecture radicale fondé en 1966 par Adolfo Natalini (1941-2020) et Cristiano Toraldo di Francia (1941-2019) rejoints plus tard par Gian Piero Frassinelli (1939), Roberto (1935-2003) et Alessandro Magris (1941-2010) et Alessandro Poli (1941). Gabriele Mastrigli qualifie le groupe de « regroupement hétérogène » (Natalini est peintre, Cristiano Toraldo di Francia est photographe et tous deux abordent l’architecture depuis des positions idéologiques assez éloignées ; Roberto Magris est « lié à un savoir-faire professionnel solide et autonome » — restauration de monuments historiques et rénovation d’ensembles d’habitation et de centres commerciaux — Gian Piero Frassinelli s’intéresse à l’anthropologie).

Histoire du design AlessandroMagrisCristianoToraldoDiFranciaPieroFrassinelliRobertoMagrisAdolfoNatalini Superstudio Le design radical XXe siècle
De gauche à droite Alessandro Magris, Cristiano ToraldoDiFrancia, Piero Frassinelli, Roberto Magris, Adolfo Natalini.

Mais tous ses membres n’agissent pas comme un seul homme, tous ne sont pas impliqués ou convaincus de la même manière dans les différents projets. Adolfo Natalini et Cristiano Toraldo di Francia sont par exemple à l’origine du Monument Continu, (pour lequel les autres membres du studio ne travaillent que sur les aspects techniques car les photomontages, les dessins, sont des travaux longs et compliqués avec les moyens techniques dont ils disposaient) alors que Gian Piero Frassinelli est l’auteur des Douze villes idéales.

L’idée n’est pas là d’attribuer un auteur à un projet, car les membres du groupe tenaient à la signature collective, mais permet d’expliquer l’hétérogénéité des images, des langages et des projets de Superstudio.

Adolfo Natalini
[http://www.nataliniarchitetti.com]
Cristiano Toraldo di Francia
[https://www.cristianotoraldodifrancia.it]
Gian Piero Frassinelli
La Maison des 4 vents, Amsterdam, 1982-1990 [FRAC Centre]
Design e antropologia. Riflessioni di un non addetto ai lavori, (Design et anthropologie, Reflexions d’un non-spécialiste) Quodlibet Edizioni, 2019
Alessandro Poli
Fonds Alessandro Poli


Critique du modernisme
Ambiguïté / Ambivalence

Images + textes : affiches illustrées (les textes précèdent parfois les images — Les Douzes villes idéales — ou l’inverse — Les actes fondamentaux).

Influences littéraires et cinématographiques :
Physique et philosophie (Cristiano Toraldo di Francia), anthropologie (Gian Piero Frassinelli), science fiction (Urania), Federico Garcia Lorca, Cesare Pavese, Italo Calvino, Carlo Emilio Gadda (Adolfo Natalini).
2001 : L’Odyssée de l’espace (Stanley Kubrick, 1968) — références perceptibles dans le story board du Monument Continu, cinéma engagé et d’avant-garde (Eisenstein)

Histoire du design ScientificAmericanMars1969 Superstudio Le design radical XXe siècle

Adolfo Natalini et Cristiano Toraldo di Francia étaient très intéressés par la technologie. Scientific American a fait partie des lectures qui nourrissait leur intérêt et leur fascination pour l’architecture interplanétaire, les premiers ordinateurs ou le développement d’Arpanet.
Les visionnaires sont avant-tout curieux et bien informés.

Le pop art et l’Angleterre (Adolfo Natalini)

« Au sein de Superstudio, nous avions une sorte de « trouble bipolaire de la personnalité », grâce auquel nous nous passionnions pour un sujet tout autant qu’à son exact opposé. Par exemple, au début, au sein de Superstudio, il y avait un double intérêt pour la symbolique et la technologie ; et pourtant, le Monument Continu est justement né de la superposition de ces deux idées.
L’artifice rhétorique auquel nous recourrions était la dystopie, l’utopie négative : cela consistait à développer un modèle rationnel jusqu’à ses conséquences extrêmes, afin de démontrer son absurdité la plus absolue. De cette manière, nous entendions critiquer la confiance aveugle et totale qui se voyait placée tout aussi bien dans la représentation monumentale que dans la technologie.
[…]
Au fil du temps, notre travail conservera toujours cette bipolarité. Celle entre la technologie et le monumentalisme ne fut que la première : vint ensuite l’opposition entre rationalité et irrationalité. Au fond, si l’on fait une lecture purement formelle du travail de Superstudio, on y distingue une évidence matrice surréaliste – de même que chez Rem Koolhaas et toutes les avant-gardes qui jouent sur le dépaysement et le changement d’échelle. Si d’un côté s’imposait donc une tendance vers une perspective proprement surréaliste, de l’autre, il y avait une dimension liée à l’hyper-rationalité : le catalogue, la liste, la grille étaient tous des éléments pour mesurer et ordonner une réalité qui nous paraissait difficilement maîtrisable. »

Adolfo Natalini, La vie secrète de Superstudio, p. 36-38.

Superstudio voit le jour dans un contexte politique agité et contestataire.
Mouvement étudiant à la Faculté d’Architecture de Florence.
Les membres de Superstudio s’éloignent finalement assez vite de cette ambiance.

L’inondation de Florence

« Toutefois, pour nous, l’inondation signifiait aussi métonymiquement la « fin de la rationalité ». L’irrationnel boueux avait pénétré à l’intérieur de cette ville rigoureuse, géométrique, parfaite, et l’avait complètement bouleversée, en remplaçant marbres et pierres par un sol liquide, que lequel affleuraient les monuments isolés. Les très nombreux jeunes qu’on appelait les « anges de la gadoue », accourus de partout dans le monde pour sauver les livres et la ville elle-même, assistaient, en un certain sens, les témoins de la fin du projet des Lumières, comme de la foi dans le Progrès et la rationalité, mais représentaient aussi l’espoir d’un avenir différent.»

Cristiano Toraldo di Francia, La vie secrète de Superstudio, p. 95.

Superarchitettura

Superarchitettura (4-17 décembre 1966, Galerie Jolly 2, Pistoia) est l’exposition qui va donner au groupe, le lieu, le contexte et l’opportunité de se former. Une deuxième exposition aura lieu (19 mars-12 avril 1967, Galeria della Sala di Cultura, Modena).

Visitée par Sergio Camilli pour Poltronova, certaines pièces trouvèrent ainsi un destin de lampe ou de canapé, qui se prolonge jusqu’à aujourd’hui.

Histoire du design Passiflora1968 Superstudio Le design radical XXe siècle
Passiflora, structure en opaline et découpe en perspex, 1967 (Poltronova)
Histoire du design SofaSofoCube Superstudio Le design radical XXe siècle
Sofo, l’un des premiers canapés sans structure, découpé dans un cube de polyuréthane puis recouvert de tissu, 1968 (Poltronova).

« Sofo est un siège que vous mouvez aligner comme les wagons d’un train, ou utiliser pour construire des montagnes et des trônes, des montagnes et des pyramides solidement ancrées dans le sol. Mais ce n’est finalement finalement qu’un bloc de polyuréthane, un cube découpé en deux parties par un « s » puis recouvert d’un tissu imprimé de deux grandes bandes. C’est le résultat d’une opération très simple, sans gaspillage de matière ni gaspillage intellectuel. Il se présente comme un gros objet coloré, peut-être un peu abstrait, comme toutes ces choses un peu joyeuses qui ont l’air de venir d’un autre monde. »

Extrait de Poltronova Backstage, Fortino Editions, 2016 [source : DESIGN BREAK 02 — ADOLFO NATALINI, SUPERSTUDIO: REMEMBERING POLTRONOVA]

Histoire du design OndaDos Superstudio Le design radical XXe siècle
Onda Italiana,, prototype, perspex, 1966. [L’image est celle qui a été publiée dans le n°475 de Domus, en juin 1969].

Autres objets et mobiliers

« Nous [avec Archizoom] avons aménagé dans les soubassements du Palais Strozzi un espace plutôt inquiétant : un grand salon entièrement cerné par une série de toiles de polyéthylène transparent, qu’éclairaient de faibles lumières bleues. On avait l’impression d’être dans un grand préservatif. À l’intérieur de cet espace était disposée une série de meubles anciens et modernes, mais nous avions conçu les aménagements modernes de manière à ce qu’ils paraissent anciens, et nous avions choisis les anciens de manière à ce qu’ils paraissent modernes.
Étaient donc exposés sans solution de continuité un lit de Pauline Bonaparte or et vert et notre série Louxor, un peu mortuaire, revêtue de loupe de noyer. Dans la pénombre de cette lumière bleutée ressortait une peau de tigre, que nous avions trouvée à Londres dans une poubelle. Je l’ai utilisée plus tard dans le célèbre photomontage : Aménager les déserts. Quoi qu’il en soit, le showroom a obtenu un grand succès.

Cristiano Toraldo di Francia, La vie secrète de Superstudio, p. 109-110.

Un voyage dans les régions de la raison.

La surface blanche quadrillée.

Une profonde rupture est visible entre la surface mutique des histogrammes et l’univers exubérant de superarchittetura. Cristiano Toraldo di Francia la compare de manière analogue à la réaction au Pop Art qu’a constitué le minimalisme ou l’Arte povera.

« synthétiser les dialectiques extrêmes et à jamais irrésolues de la modernité : classicisme et avant-garde, rigueur et choc, tradition et trasngression, passé et futur. Mais plus que tout, la surface tramée, dans toutes les déclinaisons — des mégastructures aux villas, jusqu’aux objets d’ameublement — se révèle un dispositif capable de représenter le projet comme excédant le design. Certes sans le contester, mais en poussant simplement sa logique interne jusqu’à ses ultimes conséquences : en montrant comment sa rationalité — tout aussi bien formelle qu’économique — offre l’autre versant de son profond arbitraire. »

Gabriele Mastrigli, La vie secrète de Superstudio, p.12

Histogrammes d’architecture.

« C’était un peu comme le cahier à carreaux sur lequel chacun gribouille, colorie, écrit et fait ce qu’il veut. »
Cristiano Toraldo di Francia, La vie secrète de Superstudio, p. 124.

« Il est dernièrement devenu très clair que continuer à dessiner des meubles, des objets et autres décorations domestiques n’était pas la solution au problème du logement, ni même à celui de la vie et qu’il servait encore moins à sauver son âme … Il est également devenu clair qu’aucun cosmétique ou embellissement ne suffisait à remédier aux ravages du temps, aux erreurs de l’homme et aux bestialités de l’architecture… Le problème était donc de se détacher de plus en plus de ces activités de conception en adoptant éventuellement la technique de l’effort minimum dans une démarche générale de réduction. Nous préparons un catalogue de diagrammes tridimensionnels non continus, un catalogue d’histogrammes d’architecture, comme une grille transportable dans des zones ou à des échelles différentes pour la construction d’une nature sereine et immobile dans laquelle se reconnaître enfin. À partir du catalogue d’histogrammes, nous avons ensuite généré sans effort des objets, des meubles, des environnements, des architectures… Mais tout cela n’a pas d’importance et n’en a jamais vraiment eu. La surface de ces histogrammes était homogène et isotrope : tout problème spatial et tout problème de sensibilité ayant été soigneusement éliminés. Les histogrammes s’appelaient aussi « Les Tombeaux des Architectes ». C’est aussi devenu le projet de l’exposition « L’invention de la surface neutre » pour PRINT. »

(traduction du texte de l’affiche)

Misura

Histoire du design LaSerieMisura2 Superstudio Le design radical XXe siècle

Les images et les exercices de pensée qui constituent la majeure partie du travail de Superstudio qui nous est habituellement donnée à voir, ne nous laissent pas facilement imaginer que ses designers se posent aussi des questions liées à la fabrication et à leur production de leurs pièces. Ce n’est pas là que l’accent est mis mais c’est pourtant évidemment le cas, notamment pour la série Misura. Dans La vie secrète de Superstudio, Adolfo Natalini raconte par exemple que le groupe s’est tourné vers l’Institut Géographique Militaire pour pouvoir dessiner leur trame quadrillée sur du stratifié avec des lignes très fines et très précises. Cela n’a pas fonctionné car le procédé aurait été trop cher alors que « personne ne pensait vendre les histogrammes ». Ils se tournent alors vers la sérigraphie et travaillent avec la société Abet Laminati, spécialisée dans l’impression de décors en stratifié, dont l’histoire est intimement mêlée à celle des avant-gardes du design italien. Leur problème avec le stratifié est que, quelle que soit sa couleur, les arrêtes découpées sont toujours noires. Ils conçoivent alors des meubles en adaptant la dimension du quadrillage pour camoufler le chanfreinage des bords.

« […] de même que les grilles des plans militaires localisaient l’ensemble des coordonnées terrestres, de même notre grille « racontait » la Terre. »

Cristiano Toraldo di Francia, La vie secrète de Superstudio, p. 128.

Catalogo di ville

« Projeter une villa est un problème inexistant : l’architecture moderne a déjà résolu tous les problèmes liés à ce type de projet et, d’ailleurs, sont absurdité économique, sociale et fonctionnelle est déjà amplement démontrée. Cela n’en reste pas moins une des rares occasions de « faire de l’architecture ». En refusant ainsi de penser aux problèmes particuliers des clients ou au salut de l’âme, et en essayant de penser seulement à une vie sereine et à une heureuse construction appréhendée comme une minuscule partie du « système de l’architecture », nous avons établi un Catalogue de villas. Ce catalogue comprend quatre séries de six villas chacune : A. Villas Suburbaines ; B. Villas à la Mer ; C. Villas en Montagne ; D. Grandes Villas Italiennes. »

Superstudio (tapuscrit). [Source : FRAC Centre]

Monument Continu. Un modèle architectural d’urbanisation globale (mars-décembre 1969).

[…] si chaque carré mesure trois centimètre de côté, les Histogrammes peuvent devenir des objets ; s’il est de trois mètres, des architectures ; et s’il est de trente mètres, un Monument continu ! »

Cristiano Toraldo di Francia, La vie secrète de Superstudio, p. 124.
Histoire du design Domus481 Superstudio Le design radical XXe siècle

Cette forme apparaît dès mars 1969 dans les carnets personnels d’Adolfo Natalini. Elle trouve son expression définitive dans le travail réalisé par Superstudio pour la Biennale trinationale de Graz, Trigon 69 (4 octobre – 5 novembre) qui a pour thème « Architecture et liberté », mais ne trouvera son nom qu’en décembre 1969 lorsqu’il est publié dans Domus.

Croquis d’étude, 19 mars 1969
Il muro di Firenze. Restauro dopo il Poggi (Le Mur de Florence. Restauration d’après Poggi), avril 1969.

Histoire du design Trigon69CouvCAt Superstudio Le design radical XXe siècle

Le programme de la biennale de Trigon en 1969, dont le thème est « Architecture et liberté » influence considérablement l’élaboration du projet.
La « liberté » devient la finalité essentielle de l’architecture de l’après 68.

« Les participants devront aborder les modalités et la portée de la liberté que l’architecture du futur peut apporter tant à l’individu qu’à la société, ainsi que les limites que l’architecture impose à cette liberté […]. Les projets devront correspondre au possible et probable développement de notre civilisation jusqu’à l’an 2000 […]. À travers une utopie restreinte du futur, l’ensemble des propositions aura pour but de tirer des préceptes en vue d’une action responsable dans le présent immédiat »

Texte extrait de « Superstudio: lettera da Graz. Una mostra sul tema: Architettura e Libertà. Trigon ’69 » in Domus, Déc. 1969, n°481, p.49-54.

Image : Italian Jugoslawien Osterreich Dreiländerbiennale Trigon’69 : Architektur und Freiheit, Künstlerhaus Graz Burgring, 4. Oktober bis 15. November 1969, couverture du catalogue.

La « liberté » est délibérément difficile à lire dans ce monolithe mutique, qui prend la forme contradictoire d’un mur. C’est une liberté abstraite, qui fait référence à celle que prend Malévitch pour se libérer de l’objectivité avec son Carré noir sur fond blanc.

Influences

Histoire du design PlanObusLeCorbusierVerifDroits Superstudio Le design radical XXe siècle
Le Corbusier, Plan Obus, Alger, 1930 (image Fondation Le corbusier).
Histoire du design PlanObusFacade-1024x348 Superstudio Le design radical XXe siècle
Image Fondation Le Corbusier
Histoire du design WalterDiMariaMileLongDrawing-1024x953 Superstudio Le design radical XXe siècle
Walter de Maria, Mile Long Drawing, 1968.
Histoire du design MonumentContinuAvecDeMaria Superstudio Le design radical XXe siècle

En mars 1969, Germano Celant publie dans le n° 333 de Casabella une photographie aérienne de Mile Long Drawing, avec Walter De Maria debout, les bras ouverts entre les deux lignes de craie tracée sur la terre du désert de Mojave.
La légende qui l’accompagne dit :  » l’expérience de celui qui traverse cette distance enclose entre deux très hauts murs blancs, pour replonger à nouveau dans l’immense étendue du désert. »
> dessins du 23 mars
Le désert comme cadre idéal pour la régénération de l’architecture.
Mobiliers pour meubler le désert

Marschall Mc Luhan, Comprendre les medias (Understanding Medias, 1964)
Les effets de la « globalisation » apparaissent comme l’émergence d’un « grand village » (village gobal) qui « ignore et surpasse la forme de la ville ».
Echelle planétaire. Les lignes parralèles de Mile Long Drawing coïncident avec deux parallèles de la Terre.

Apollo 11. Juillet 1969.
Structure observable depuis l’espace.
Abandon du destin de la mégastructure pour atteindre au phénomène cosmique.
The Whole Earth Catalog (automne 1968)

Pont « habité », prévu pour traverser les États-Unis (il devait relier New York à San Francisco).
Monorails, télésurveillance, ascenseurs, escaloators, aéroports, zones résidentielles et parkings…


Histoire du design MonumentContinu-1 Superstudio Le design radical XXe siècle

« Pour ceux qui sont convaincus, comme nous, que l’architecture est un des rares moyens pour rendre visible l’ordre cosmique sur terre, pour mettre de l’ordre parmi les choses et, surtout, pour affirmer la capacité humaine d’agir selon la raison, une « utopie modérée » consiste à imaginer un avenir proche où toute l’architecture serait produite par un seul acte, par un seul « dessin » capable d’éclaircir, une fois pour toutes, les raisons qui ont poussé l’homme à dresser des dolmens, des menhirs et des pyramides, et à dessiner des villes carrées, circulaires ou stellaires, et enfin à tracer (ultima ratio) une ligne blanche dans le désert. […] En éliminant les mirages et les fées morganes des architectures spontanées, des architectures de la sensibilité, des architectures sans architectes, des architectures biologiques et fantastiques, nous nous dirigeons vers le « monument continu » : une architecture qui émerge entièrement et pareillement dans un seul milieu continu : la terre rendue homogène par la technique, par la culture et par tous les autres impérialismes. »

Superstudio, Le Monument Continu, Un modèle architectural d’urbanisation totale, (tapuscrit) 1969 [Source : FRAC Centre]

Les images de ce projet ne sont pas uniformes et ne semblent même pas toujours parler le même langage. Cela peut s’expliquer par son évolution dans le temps, par les contingences techniques dont dépendent les photomontages, par les auteurs différents. C’était Gian Piero Frassinelli, par exemple, qui réalisait les photomontages et les dessins en perspective du Monument Continu à partir des instructions d’Adolfo Natalini et de Cristiano Toraldo di Francia, jusqu’à ce qu’il en réalise lui-même, comme celui du Taj Mahal, en dévoilant l’intérieur, ce à quoi Adolfo Natalini se refusait. Frassinelli gardera un sentiment très mitigé à l’égard de ce projet, c’est lui aussi qui le fait disparaître sous les marécages…

Les douze villes idéales. (Prémonitions de la parousie urbaine).

Publié dans Architectural Design en décembre 1971 sous le titre « Twelve Cautionary Tales for Christmas » puis dans Casabella en janvier 1972.

Gian Piero Frassinelli raconte dans La Vie secrète de Superstudio qu’il écrit la Première ville pour formuler ce qu’était la Vie dans le Monument Continu. Ce n’est pas un projet longuement mûri ni solidement construit, Frassinelli s’ennuie un peu, et enchaîne les récits, se laissant sans doute guider par sa culture de lecteur acharné de science fiction. Les images ont été rajoutées aux textes seulement quand la décision a été prise de les publier.


En 1970, Rem Koolhaas, étudiant à l’Architectural Association de Londres, débarque dans les locaux de Superstudio pour leur proposer d’animer un séminaire. Rem Koolhass est par la suite invité par Superstudio à participer au concours de Casabella « La Ville comme environnement signifiant » (1972) pour lequel il présente Exodus ou les prisonniers volontaires de l’architecture qui fera la couverture du numéro de juin 1973.


En 1971, Adolfo Natalini est invité par Friedrich St. Florian (membre du jury du concours Trigon69) à donner des cours à la Rhode Island School of Design de Providence.


En 1971, ils fondent la S-SPACE, Scuola Separata Per l’Architettura Concettuale Espansa (École Séparée pour l’Architecture Conceptuelle Expansée) avec le Gruppo 9999. Contient en germe l’idée de Global Tools.

La S-SPACE consiste en réalité en une série de séminaires (aussi appelé Festival Vita) organisés dans le Space Electronic fondé par le Gruppo 9999 reposant sur la contribution des différents groupes du design radical (même si le terme n’existait pas encore). En témoigne le petit livre couvert de poils qui en assure la restitution.

Supersurface. An Alternative Model For Life on Earth.

Film et environnement présentés pour Italy: The New Domestic Landscape (MoMA, 1972).
Les images de ce projets circulent beaucoup et sont très célèbres. Elles illustrent pour certaines, l’idée même du design radical.
La pièce présentée par Superstudio lors de cette exposition est décrite par eux-mêmes dans le catalogue de l’exposition. Moins connu que les images du projet, ce texte n’en est pas moins très éclairant. En voici un « résumé » accompagné de quelques extraits, la version intégrale est .

Le modèle alternatif proposé consiste à « vivre sans objets » : le design n’est plus ce qui « crée un nouveau panorama artificiel entre l’homme et l’environnement » ou « une incitation à consommer » mais essaie « d’agir »* , pour « imaginer une société qui ne soit plus basée sur le travail (le pouvoir, la violence) mais sur des relations humaines intactes. » rassemblements et les dispersions libres, le nomadisme permanent, le choix de relations interpersonnelles au delà de toute hiérarchie préétablie.
– destruction des objets : destructions de leurs attributs sociaux (pouvoir) vivre avec et non pour les objets (Guy Debord)
– élimination de la ville : élimination des structures formelles de pouvoir, modèle social et hiérarchique (condition égalitariste)
– fin du travail : fin du travail répétitif et spécialisé (aliénation). 

Série d’images symboliques rendant visible un modèle alternatif d’existence. 
Interprétation visuelle d’une attitude critique

Le design doit être considéré comme une spéculation philosophique, un outil de connaissance, une existence critique. 

On habite un réseau d’énergie et d’informations (rend possible une vie « sans travail »). Grille qui peut se lire dans sa dimension matérielle mais aussi (et surtout) « comme une métaphore d’une distribution des ressources organisée et rationnelle. »

Nomadisme

C’est l’image d’une humanité qui vagabonde, qui joue, qui dort, etc., sur cette plateforme. Une humanité nue, qui marche le long de cette grande voie avec des bannières, des objets magiques, des objets archéologiques, en tenue de soirée…
Lieux : si une personne est seule, l’endroit est une petite pièce, s’ils sont deux personnes ensemble, c’est une pièce plus grande, s’ils sont dix, c’est une école, s’ils ils sont cent, un théâtre, un millier, une salle des fêtes, dix-mille, une ville, un million, une métropole…
Les lieux où se forment des grandes concentrations humaines ont toujours été basés sur le réseau urbain d’énergie et d’information, et sur des structures tridimensionnelles représentant les valeurs du système. Les grandes foules qui se concentrent pendant leur temps libre sur les plages ou à la campagne sont en fait une masse de gens « servis » par des mini services mécaniques et mobiles (voiture, radio, réfrigérateur portable). Des concentrations comme celles de l’Île de Wright ou Woodstock ouvrent la possibilité d’une vie « urbaine » qui ne nécessite pas nécessairement de se baser sur l’émergence de structures tridimensionnelles.

Hypothèses technologiques de stratégies de survie en l’absence de « structures tridimensionnelles » protectrices.

Les objets que nous voyons sur les images : 

processus de réduction : réduire les objets à l’état d’éléments neutres et disponibles (leur enlever leur statut symbolique). 
L’image alternative (qui est, en réalité, l’espoir d’une image) est celle d’un monde plus serein et détendu, où les actes peuvent trouver tout leur sens et où il est possible de vivre avec peu d’objets, plus ou moins magiques.

« Les objets dont nous auront besoin seront uniquement les drapeaux ou les talismans, signes d’une existence qui se poursuit, ou des ustensiles simples pour des opérations simples. Donc, il ne restera d’un côté que des ustensiles (avec moins de chromes et de décorations) et de l’autre, des objets symboliques comme les monuments ou les écussons. Des objets peut-être crées pour l’éternité, en marbre ou en miroirs ou pour le présent en papier ou en fleurs — des objets fabriqués pour mourir à l’heure venue et qui ont même ce sens de la mort parmi leurs caractéristiques. Des objets que l’on peut facilement transporter si on décide de devenir nomade, ou lourds et immuables, si on décide de rester là pour toujours. »

* Germano Celant, dans son texte fondateur Architecture Radicale, paru dans le catalogue de la même exposition, insiste beaucoup sur le design comme façon d'être. « L’importance écrasante donnée à l’objet ou au bâtiment fini a produit l’attitude qui consiste à substituer l’activité à tout effort de formuler une philosophie du design ou de l’architecture ; cette attitude est devenue le redesign et la neo-architecture, plus intéressés par la décoration et la neo-formalisation de l’objet et du bâtiment que par la nature et l’existence de l’architecture elle-même. Par conséquent, les aspects formels ou décoratifs, et leurs manifestations physiques et formelles, ont remplacé toutes considérations conceptuelles et la façon d’être qui devraient diriger l’activité du designer. »

Supersurface.
Supersurface est la réponse de Superstudio à la demande formulée par Émilio Ambasz pour l’exposition Italy: The New Domestic Landscape (MoMA, 1972). Elle est composée d’un environnement et d’un film, Vie (Vita), qui sera le premier des cinq formant l’ensemble des Actes Fondamentaux (Acti Fondamentali)

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Supersurface, Vue de l’exposition.

Le projet proposé est une grille reflétée à l’infini par des miroirs disposés autour d’elle. La Terre est devenue un seul et grand Histogramme. Mais là où les Histogrammes et même le Monument Continu étaient encore des formes, même si elles démontraient par l’absurde la fin de toutes les formes issues des mythes de l’architecture moderne, Il n’existe plus aucune forme dans la Supersurface : « L’architecture est la Terre : la planète câblée est l’architecture » (Cristiano Toraldo di Francia, La Vie secrète de Superstusdio, p. 136).

En 1972, Superstudio organise le premier séminaire de Global Tools, sorte d’école d’arts et métiers créée sous l’impulsion d’Alessandro Mendini, dans l’église désacralisée de Roberto Magris à la Sambuca, près de Florence.


Les actes fondamentaux (Gli Atti Fondamentali), 1971 – 1973.

Vita, supersurface (film présenté précédemment pour Italy: The New Domestic Landscape (MoMA, 1972).

Les actes fondamentaux, issus des actions, des pratiques et des comportements des hommes, précèdent l’architecture.

« Les grands thèmes, les thèmes fondamentaux de notre vie, ne sont jamais touchés par l’architecture. L’architecture reste sur les marges et elle n’intervient qu’à un certain stade du processus de relation, quand tout le comportement a généralement déjà été codifié, en apportant des réponses à des problèmes posés de manière rigide.»
(Superstudio, « Gli Atti Fondamentali. Cinque Storie del Superstudio », dans Gabriele Mastrigli, Superstudio, Opere, 1966-1978, Quolibet, 2016.

« L’architecture ne propose pas de comportements alternatifs, car elle utilise des instruments mis au point par le système pour éviter toute déviation importante »

Met en place un « processus de réduction » pour remonter aux sources de l’architecture et proposer une « refondation anthropologique et philosophique de l’architecture.»

Supersurface : An alternative model for life on the Earth, (Vita), 1972
Education (Educazione), 1973
Cérémonie (Cerimonia), 1973.

Cérémonie a été présenté à la Triennale de Milan de 1973
La Mort est aussi la restitution de la participation du groupe au concours pour le Cimetière de Modène.

Exposition Fragmente aus einem persönichen Museum (Fragments d’un musée personnel), Neue Galerie am Landesmuseum Joanneum, Graz, 6 juin – 1er juillet 1973.

Histoire du design FragmentsAffiche Superstudio Le design radical XXe siècle
Affiche de l’exposition. ©Georges Meguerditchian, Centre Pompidou, MNAM/CCI.
Source : [https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/cqjdpG]

Exposition Sottsass/Superstudio: Mindscapes, Walker Art Center, Minneapolis, 1973.

Histoire du design SottsassSuperstudioMindscape-784x1024 Superstudio Le design radical XXe siècle
Couverture du Design Quaterly (n°89) consacré à l’exposition.

Cette exposition itinérante est aussi présentée au Contemporary Art Center de Cincinnati, au Everson museum of Arts de Syracuse, au Johnson Museum by Ithaca, à l’Art Museum of South Texas à Corpus Christi, au Fort Worth Art Center, au Long Beach Art Museum à Los Angeles et au Joslyn Art Museum à Omaha.

Global Tools

Superstudio après Superstudio.

Après 1973, Superstudio interromp sa production d’écrits et d’images pour se consacrer à l’analyse de la Culture Matérielle Extra-Urbaine. Adolfo Natalini, Gian Piero Frassinelli, Alessandro Poli et Cristiano Toraldo di Francia donnent un cours portant ce titre à la Faculté d’Architecture de Florence entre 1973 et 1978.

La Moglie di Lot (La femme de Loth), présenté la première fois à la Biennale de Venise en 1978. Cinq sculptures de sel représentant autant d’archétypes de l’architecture se dissolvent sous un goutte-à-goutte jusqu’à disparition totale.
En se dissolvant, chaque sculpture révèle un objet symbolique placé à l’intérieur.

Pyramide égyptienne / structure pyramidale de fils de fer
Colisée / habitat résidentiel (un lieu habité)
Cathédrale / coquille d’oeuf (Piero della Francesca)
Château de Versailles / Brioche (Marie-Antoinette)
Pavillon de l’Esprit Nouveau / plaque de laiton sur laquelle est inscrite la phrase : « La seule architecture sera notre vie. »

L’eau saumâtre s’accumule dans un réservoir situé sous la structure porteuse où se trouve une plaque de laiton sur laquelle est inscrit :
« Superstudio, Florence / Venise, mai / juin 1978
LA FEMME DE LOT
L’architecture est au temps ce que le sel est à l’eau. »
L’eau saumâtre la recouvre lentement et, une fois l’eau évaporée, le sel ternit la plaque, la rendant à peine lisible.

« L’architecture de l’histoire ne montre dans le temps que son aspect symbolique ; le temps d’érosion de la phase fonctionnelle est extrêmement réduit par rapport à celui de la phase symbolique. L’architecture de l’histoire est une architecture de symboles et de représentations, dont la fonction d’usage est contingente et périssable. D’autre part, l’architecture peut retrouver un usage – dans des délais et des conditions que son concepteur ne peut pas prévoir – grâce à ses habitants. L’architecte a choisi d’exprimer la fonction symbolique de l’architecture, alors que seuls ses habitants peuvent réellement projeter sa fonction d’habitation. Ceux qui veulent construire regardent autour et devant eux : ainsi ils laissent quand même derrière eux les architectes transformés en statues de sel. »

Superstudio, La moglie di Lot e La coscienza di Zeno, Biennale de Venise 1978 (édition XXXVIII), Catalogue de l’exposition (autoédition), Venise, 1978.
Cette pièce fut à nouveau exposée à la Biennale de Venise de 2014.


La conscience de Zeno

La Conscience de Zeno est tirée de l’un des projets les plus important d’Alessandro Poli, Zeno, una cultura autosufficiente (1972-1980). Elle a été exposée à la Biennale de Venise de 1978, avec La Moglie di Lot

Histoire du design LaConscienceDeZeno-670x1024 Superstudio Le design radical XXe siècle
Image extraite de Abdelkader Damani, Superstudio, La vie après l’architecture, Frac Centre Val de Loire, 2019, p. 235.

Ce projet est également lié aux recherches menées par Superstudio sur la Culture Matérielle Extra-urbaine à l’Université de Florence de 1973 à 1978. 

L’ensemble de ce travail de recherche a été publié dans la revue Modo n°7, 1978. 

Zeno, una cultura autosufficiente raconte la relation de Zeno Fiaschi, un paysan de Riparbella, avec la petite maison construite par son grand-père dans laquelle il est né et a toujours vécu. Elle raconte aussi sa relation avec ses outils, ses vêtements, et tous les éléments matériels de sa vie dans cette petite maison qui est la seule qu’il n’ait jamais connue. À l’intérieur de ce récit, Poli en tisse un autre, fictif celui là, qui raconte la rencontre entre Zeno et Buzz Aldrin. La culture Extra urbaine paysanne entre ainsi en interaction avec une autre sorte de culture Extra urbaine, celle de l’espace, entre deux capsules de vie auto-suffisantes. 
Ce travail se présente sous forme de dessins et collages représentant différents outils, espaces domestiques et de travail de la vie de Zeno. Plusieurs de ces dessins comprennent des objets, comme des taies d’oreiller, des morceaux de métal et une corde. Des objets figurent aussi dans le projet, des outils ou même la porte de Zeno. Le travail comprend aussi un livre qui prend la forme d’un catalogue des éléments qui font partie de la vie de Zeno, qui détaille ses espaces, ses journées de travail et même ce qu’il mange. 
[source : https://www.cca.qc.ca/fr/archives/408095/fonds-alessandro-poli/428301/architectural-and-design-projects/473259/zeno-una-cultura-autosufficiente-zeno-a-self-sufficient-culture-1972-1980]

Après 1978, les cours à l’Université s’arrêtent et chacun des membres de Superstudio poursuit sa propre route.
En 1982, une exposition a lieu à la galerie Accademia de Florence. À cette occasion, un livre édité par Gianni Pettena intitulé « Superstudio 1966-1982 » est publié aux éditions Electa.
L’agence et le nom de Superstudio, apposé à celui qui signait le projet, perdurent néanmoins jusqu’en 1986, date à laquelle le groupe est définitivement dissout.